Les saucisses au curry, ou currywurst VW se vendent en supermarché et s’exporte jusqu’en Chine – Francesco Lo Presti, maître charcutier installé en pleine usine automobile à Wolfsburg
Vous pensiez tout connaître de Volkswagen ? Détrompez-vous. Le géant allemand de l’automobile ne se contente pas d’assembler des Golf, des Tiguan ou des ID électriques. Depuis plus de cinquante ans, VW produit aussi des saucisses au curry qui cartonnent auprès de ses salariés et bien au-delà. Une spécialité devenue si populaire qu’on la trouve désormais dans les supermarchés allemands et les cantines des usines du groupe à travers le monde.
L’histoire débute en 1973 dans l’usine historique de Wolfsburg, au nord de l’Allemagne. Quelqu’un a l’idée saugrenue de lancer une production maison de currywurst, cette saucisse grillée découpée en morceaux et noyée sous une sauce tomate au curry qui fait partie de l’ADN culinaire allemand. Plus de cinquante ans plus tard, cette initiative anecdotique s’est transformée en véritable institution qui dépasse largement les murs de l’usine.
Un atelier de charcuterie en pleine usine automobile
La scène détonne franchement. À quelques mètres seulement des chaînes d’assemblage où naissent les voitures, Francesco Lo Presti règne sur son domaine. Charlotte blanche vissée sur la tête, ce maître charcutier italien débite de la viande de porc destinée à devenir la fameuse currywurst. Son laboratoire de charcuterie tranche radicalement avec l’univers métallique et robotisé qui l’entoure.
Depuis plus de quinze ans, Lo Presti supervise toute la fabrication. La viande de porc soigneusement sélectionnée passe d’abord dans le hachoir. Le haché finement moulu remplit ensuite des boyaux artificiels qui deviendront les saucisses. Vient alors l’étape du fumage qui apporte cette saveur caractéristique, suivie de l’échaudage qui termine la cuisson. Un processus artisanal au cœur d’une cathédrale de l’industrie automobile.
« Celui qui goûte notre currywurst en tombe amoureux », promet le maître charcutier avec l’assurance de celui qui connaît son produit sur le bout des doigts. Cette confiance n’est pas usurpée : la saucisse VW possède ses fans inconditionnels qui n’envisageraient pas d’en manger une autre.
Une recette qui voyage à travers le monde
Face à l’engouement des salariés de Wolfsburg, Volkswagen a rapidement compris qu’il tenait quelque chose. La currywurst s’est progressivement invitée dans les cantines de la plupart des usines du groupe à travers la planète. Des États-Unis à l’Inde en passant par la Chine, les employés du monde entier peuvent goûter cette spécialité allemande pendant leur pause déjeuner.
En Chine, où VW possède plusieurs sites de production majeurs, la currywurst est même fabriquée sous licence par un fournisseur local. Cette adaptation permet d’approvisionner les cantines sans avoir à importer depuis l’Allemagne. Les ouvriers chinois qui assemblent des Volkswagen pour le marché asiatique peuvent donc croquer dans la même saucisse que leurs collègues allemands.
Cette internationalisation culinaire accompagne l’expansion industrielle du groupe. Chaque nouvelle usine VW qui ouvre quelque part dans le monde finit par proposer la currywurst à sa cantine. Une façon de créer un lien culturel entre tous les sites et de rappeler les origines allemandes du constructeur.
Du supermarché au concessionnaire
Mais la currywurst Volkswagen a franchi depuis longtemps les portes des usines. Les Allemands, grands amateurs de cette saucisse sous toutes ses formes, peuvent trouver la version VW dans les rayons de certains supermarchés. Imaginez faire vos courses alimentaires et tomber sur une barquette de saucisses au logo VW entre le jambon et les knacks. Surréaliste mais bien réel.
Certains concessionnaires vont même jusqu’à offrir des currywurst VW lors de l’achat d’un véhicule. Vous repartez avec votre Golf flambant neuve et un paquet de saucisses maison en prime. Cette pratique marketing originale crée un moment de convivialité et marque les esprits autrement qu’avec les traditionnels porte-clés publicitaires.
Le groupe Volkswagen pousse le concept encore plus loin en servant sa currywurst lors d’événements marketing ou même pendant sa conférence de presse annuelle. Quand les journalistes du monde entier se pressent pour découvrir les nouveaux modèles, ils peuvent aussi goûter la fameuse saucisse. Une touche d’authenticité allemande qui détend l’atmosphère.
Une saucisse « saine » selon Volkswagen
Martin Cordes dirige la division gastronomique de VW. Oui, vous avez bien lu : un constructeur automobile possède une division gastronomique avec un directeur dédié. Cordes défend bec et ongles la supériorité de sa currywurst face à la concurrence. Selon lui, la version Volkswagen n’a tout simplement pas d’égale sur le marché.
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Premier argument : elle contiendrait deux fois moins de matières grasses que la plupart de ses rivales. Une affirmation importante en Allemagne où la currywurst souffre d’une réputation de bombe calorique. La saucisse VW utiliserait uniquement les meilleurs morceaux de viande de porc, loin des bas morceaux qui composent parfois les versions industrielles bas de gamme.
Résultat selon Cordes : une saucisse « très saine et qui tient bien à l’estomac ». Qualifier une charcuterie de « très saine » relève certes d’un certain optimisme commercial. Mais comparée aux currywurst gorgées de gras qui se vendent sur les stands de rue, la version VW offre probablement un profil nutritionnel moins catastrophique.
Végétarienne puis végane : VW suit les tendances
Volkswagen ne s’est pas contenté de la recette traditionnelle. En 2010, le constructeur lance une version végétarienne de sa currywurst. Un pari audacieux dans un pays où la viande règne en maître, surtout en matière de saucisse. Cette déclinaison sans viande vise les salariés végétariens de plus en plus nombreux dans les usines.
L’expérience fonctionne suffisamment bien pour que VW récidive en 2015 avec une currywurst 100% végane. Plus de viande, plus de produits animaux d’aucune sorte. Cette version utilise des protéines végétales pour recréer la texture et le goût d’une vraie saucisse. Une prouesse technique qui demande autant de R&D que certains composants automobiles.
Ces déclinaisons végétales témoignent de la prise en compte des évolutions sociétales. L’Allemagne comme le reste de l’Europe voit grimper le nombre de végétariens et véganes. Même dans le bastion carnivore qu’est la saucisse allemande, les alternatives végétales trouvent leur public. Volkswagen l’a compris et adapté son offre en conséquence.
Un ketchup maison sur recette secrète
La currywurst ne serait rien sans sa sauce. Chez Volkswagen, même le ketchup qui nape généreusement la saucisse suit une recette maison. Un fournisseur externe le fabrique selon les spécifications précises du constructeur automobile devenu charcutier. Cette sauce tomate au curry possède sa propre identité gustative qui la distingue des versions commerciales standards.
Il existe d’ailleurs une multitude de variations locales de currywurst à travers l’Allemagne. Chaque région, voire chaque ville, possède sa version avec des épices différentes, une sauce plus ou moins épaisse, plus ou moins sucrée. Berlin revendique même l’invention de la currywurst dans l’après-guerre. Cette diversité fait partie du patrimoine culinaire allemand.
La recette Volkswagen s’inscrit dans cette tradition tout en gardant son identité propre. Les salariés de Wolfsburg reconnaîtraient leur currywurst entre mille, rien qu’au goût de la sauce. Cette fidélité gustative crée un attachement émotionnel qui dépasse la simple pause déjeuner.
Quand l’automobile rencontre la gastronomie
Cette histoire de saucisse Volkswagen illustre parfaitement la culture d’entreprise allemande. Là où d’autres constructeurs se contentent de cantines sous-traitées servant une nourriture standardisée, VW a créé sa propre identité culinaire. La currywurst devient un symbole d’appartenance au groupe, au même titre que le logo aux initiales entrelacées.
Les salariés de Wolfsburg ont grandi avec cette saucisse. Certains la mangent depuis leur premier jour d’embauche il y a trente ou quarante ans. Cette permanence culinaire traverse les générations d’ouvriers, d’ingénieurs et de cadres qui se succèdent dans les usines. Un lien intergénérationnel aussi fort que les modèles automobiles qui ont marqué l’histoire du constructeur.
Volkswagen ne communique pas officiellement sur les volumes de production de sa currywurst. Mais vu sa présence dans les supermarchés, les cantines mondiales et lors des événements, on peut estimer que plusieurs millions de saucisses sortent chaque année de l’atelier de Francesco Lo Presti et de ses homologues à travers le monde.
Cette réussite inattendue pose une question amusante : faut-il désormais classer Volkswagen comme constructeur automobile ET comme producteur agroalimentaire ? La prochaine fois que vous croiserez une Golf sur la route, souvenez-vous qu’elle sort du même groupe qui fabrique aussi votre éventuel dîner. De la tôle et de la bouffe, le grand écart allemand.







