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mercredi 24 décembre 2025

La grande distribution appelle les Français d’acheter des choux-fleurs pour sauver la filière

publié le

Auchan, Carrefour, Casino, Intermarché et Système U lancent un appel inédit – L’hiver trop doux provoque une surproduction massive et les producteurs perdent de l’argent chaque jour

La situation est suffisamment grave pour que cinq géants de la distribution française s’associent dans un appel commun. Auchan, Casino, Carrefour, Coopérative U et Intermarché publient ce vendredi un communiqué exhortant les consommateurs à acheter des choux-fleurs français. La filière traverse une « crise d’une ampleur rare » selon les termes choisis, et les producteurs bretons voient leurs récoltes pourrir faute de débouchés suffisants.

Ce type d’action collective reste rarissime dans le petit monde de la grande distribution où la concurrence fait habituellement rage. Que ces enseignes rivales mettent leurs différends de côté pour publier ensemble montre l’urgence de la situation. Les producteurs de choux-fleurs, essentiellement concentrés en Bretagne et notamment dans les Côtes-d’Armor, traversent une tempête économique qui menace leur survie.

Un hiver trop doux qui change tout

Le coupable de cette crise porte un nom : le climat. L’hiver 2025-2026 affiche des températures anormalement douces depuis des semaines. Là où décembre devrait apporter froid et gelées, les températures restent clémentes, parfois dignes d’un printemps précoce. Ces conditions météo exceptionnelles ont complètement déréglé le cycle de production des choux-fleurs.

Normalement, les récoltes s’étalent sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Les maraîchers plantent à intervalles réguliers pour échelonner les arrivages et éviter que tout soit prêt en même temps. Mais la douceur inhabituelle a accéléré la maturation de toutes les plantations simultanément. Résultat : des volumes énormes déferlent en même temps sur le marché.

Cette concentration des récoltes sur une période très courte crée un déséquilibre massif entre offre et demande. Les Français ne mangent pas subitement trois fois plus de choux-fleurs sous prétexte qu’il fait doux dehors. La consommation reste stable pendant que la production explose. L’équation devient vite ingérable pour toute la chaîne, des producteurs aux distributeurs.

Les producteurs bretons témoignent d’une situation dramatique. Certains confient perdre de l’argent chaque jour. Récolter coûte cher : main d’œuvre, carburant pour les tracteurs, emballages, transport. Quand le prix de vente ne couvre même pas ces frais de base, continuer à produire revient à creuser sa propre tombe financière. Mais laisser pourrir les légumes dans les champs représente aussi une perte sèche après des mois de travail.

Une surproduction européenne qui enfonce le clou

Comme si la situation française ne suffisait pas, l’Europe entière subit le même phénomène. Les autres pays producteurs de choux-fleurs connaissent eux aussi un pic de production lié aux mêmes conditions climatiques. Espagne, Allemagne, Pays-Bas : partout les volumes gonflent anormalement.

Cette surproduction européenne généralisée tue dans l’œuf toute possibilité d’exporter le surplus français. Habituellement, quand la France produit trop, elle envoie ses excédents vers les pays voisins. Mais impossible cette fois puisque tous les marchés européens croulent déjà sous leurs propres stocks. Les frontières ne constituent plus une soupape de sécurité.

Le prix du chou-fleur s’effondre mécaniquement. La loi de l’offre et de la demande joue à plein : quand tout le monde en a trop, personne ne veut payer cher. Les cours chutent parfois en dessous du coût de production. Un producteur peut se retrouver à vendre sa marchandise moins cher que ce qu’elle lui a coûté à cultiver et récolter.

Cette spirale baissière fragilise gravement le revenu des producteurs. Beaucoup ont investi dans des serres, du matériel moderne, des semences sélectionnées. Ces investissements se remboursent sur plusieurs années grâce aux bénéfices d’exploitation. Mais quand plusieurs campagnes déficitaires s’enchaînent, les trésoreries se vident et les dettes s’accumulent.

Un appel inédit de la grande distribution

Face à cette situation exceptionnelle, les distributeurs sortent l’artillerie lourde. Leur communiqué commun martèle que la sortie de crise repose en partie sur la mobilisation des consommateurs. Un message direct qui ne passe pas par quatre chemins : achetez des choux-fleurs français, sinon des producteurs vont mettre la clé sous la porte.

Cette démarche tranche avec les habitudes du secteur. D’ordinaire, chaque enseigne communique pour son propre compte et tente de piquer des clients à la concurrence. Là, Carrefour, Leclerc, Auchan, Intermarché et Casino parlent d’une même voix. Cette union sacrée illustre la gravité de la crise et la prise de conscience collective.

Les distributeurs ne se contentent pas de mots. Ils annoncent intensifier les opérations de sensibilisation en magasin pendant le week-end. Mise en avant des choux-fleurs français dans les rayons, actions d’information auprès de la clientèle, peut-être même des prix promotionnels pour doper les ventes : tous les leviers seront activés.

Certaines actions ont déjà commencé cette semaine. Des affiches explicatives apparaissent dans les rayons primeur. Des démonstrations culinaires montrent comment cuisiner ce légume parfois boudé. Les maraîchers viennent parfois en personne témoigner de leur situation pour créer un lien direct avec les consommateurs.

La France, premier producteur européen en danger

Ces efforts pour sauver la filière ne relèvent pas du folklore. Le chou-fleur représente une production agricole majeure en France. Notre pays occupe la première place européenne avec près de 110 000 tonnes exportées annuellement selon le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL).

Cette position de leader repose sur un savoir-faire historique concentré essentiellement en Bretagne. Les Côtes-d’Armor en particulier possèdent des conditions idéales : climat océanique, terres riches, proximité des ports pour l’export. Des générations d’agriculteurs ont perfectionné les techniques de culture et les variétés adaptées.

Cette expertise bretonne rayonne sur toute l’Europe. Les semenciers français développent des variétés performantes qui s’exportent. Les techniques culturales bretonnes font référence. Laisser s’effondrer cette filière reviendrait à abandonner un leadership chèrement acquis et difficilement récupérable.

Au-delà de l’aspect économique, la dimension sociale compte énormément. Dans certains cantons bretons, la production de choux-fleurs fait vivre des villages entiers. Les maraîchers, leurs salariés saisonniers, les fournisseurs d’intrants, les entreprises de conditionnement, les transporteurs : toute une économie locale gravite autour de ce légume.

Que peuvent vraiment faire les consommateurs ?

L’appel de la grande distribution place une responsabilité sur les épaules des Français. Acheter plus de choux-fleurs peut effectivement aider, mais jusqu’à quel point ? Chacun ne va pas soudainement tripler sa consommation de légumes sous prétexte qu’il y a une crise.

Néanmoins, même de petits changements de comportement multipliés par des millions de foyers peuvent faire bouger les lignes. Un consommateur qui achète un chou-fleur de plus par semaine, c’est dérisoire individuellement. Mais dix millions de Français qui font pareil, ça représente des dizaines de milliers de tonnes écoulées en plus.

Privilégier systématiquement les choux-fleurs français plutôt qu’espagnols ou néerlandais aide aussi concrètement. Les étiquettes en rayon indiquent l’origine. Prendre trente secondes pour vérifier et choisir la production nationale plutôt qu’importée oriente directement l’argent vers les producteurs hexagonaux en difficulté.

Varier les modes de préparation peut également stimuler la consommation. Le chou-fleur ne se limite pas au gratin ou à la soupe. Rôti au four avec des épices, transformé en « riz » de chou-fleur pour remplacer les féculents, mixé en purée, intégré aux curry : les possibilités culinaires foisonnent. Découvrir ces recettes incite à acheter plus souvent ce légume polyvalent.

Les limites d’une solution par la consommation

Miser uniquement sur l’achat citoyen présente cependant des limites évidentes. Même avec la meilleure volonté du monde, les Français ne pourront jamais absorber seuls une surproduction européenne de cette ampleur. La consommation intérieure ne suffit pas à réguler des déséquilibres structurels.

Cette crise pose aussi la question de l’adaptation aux bouleversements climatiques. Les hivers trop doux risquent de devenir plus fréquents avec le réchauffement global. Compter sur la météo pour étaler naturellement les récoltes devient aléatoire. Les producteurs devront peut-être repenser leurs calendriers de plantation et diversifier les variétés.

Les mécanismes de régulation européens montrent également leurs failles. Aucun système ne permet de gérer efficacement ces crises de surproduction soudaines. Les stocks stratégiques, les achats publics anticipés, les mécanismes d’aide d’urgence : tous ces outils manquent ou fonctionnent trop lentement.

Enfin, cette situation interroge sur les marges de la grande distribution. Quand les producteurs perdent de l’argent à vendre leur marchandise, où va la valeur ajoutée dans la chaîne ? Les enseignes prennent leur marge, la logistique coûte cher, mais au final le maillon agricole récupère des miettes. Ce déséquilibre structurel fragilise toute la filière.

Un week-end crucial pour l’avenir de la filière

Les prochains jours s’annoncent décisifs. Le week-end concentre traditionnellement une part importante des achats alimentaires. Si les opérations de sensibilisation fonctionnent et que les ventes décollent, cela apportera un ballon d’oxygène temporaire aux producteurs. Dans le cas contraire, certains pourraient jeter l’éponge.

Les producteurs bretons attendent ces résultats avec anxiété. Chaque palette de choux-fleurs vendue représente un peu moins de stock invendu qui pourrit. Chaque euro supplémentaire rentré permet de payer un salaire, un fournisseur, un crédit bancaire. Cette course contre la montre se joue maintenant, avant que les volumes invendus ne deviennent trop importants.

Cette crise du chou-fleur pourrait aussi servir d’avertissement pour d’autres filières agricoles. Le dérèglement climatique multipliera ce type de situations imprévues. Apprendre à gérer ces crises, développer des outils de régulation efficaces, repenser les circuits de commercialisation : tout cela devient urgent pour éviter que chaque aléa météo ne se transforme en catastrophe économique.

En attendant, le message des distributeurs résonne dans toute la France : mangez des choux-fleurs, c’est bon pour votre santé et ça sauve des emplois bretons. Un plaidoyer simple mais qui pourrait faire la différence entre la survie et la disparition de nombreuses exploitations familiales.

Aaron Lecedres
Aaron Lecedreshttps://minuteduchef.com
Passionné de cuisine et de nutrition, j’explore chaque jour de nouvelles recettes équilibrées. J’aime comprendre comment les aliments influencent notre santé et je partage mes découvertes pour aider à mieux manger, sans se priver.

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